1 – Retour énergétique
Nous avons besoin d’énergie pour vivre, que ce soit pour nos besoins physiologiques de base ou pour nos activités industrielles. Tout ce que nous faisons a un coût énergétique (souvent désigné sous l’appellation d’énergie grise). Lorsque nous prenons notre voiture pour faire nos courses, le carburant consommé s’ajoute aux coûts énergétiques de nos achats. Mais la construction de la voiture elle-même, sa livraison et son recyclage de fin de vie représentent également un coût énergétique.
Il en est de même pour les installations de production de l’énergie (barrage hydroélectrique, puits pétroliers, centrales nucléaires, éoliennes…). Il est alors intéressant de voir en combien de temps ces centres d’énergie remboursent leur dette énergétique.
Le « Retour Énergétique » est le quotient de l’énergie investie dans la construction de l’installation (énergie grise) par la capacité de production de celle-ci une fois mise en service :
C’est l’équivalent du « point mort » pour une entreprise (délai au bout duquel celle-ci produit des profits).
La notion de Retour Énergétique est un élément important à appréhender lorsque l’on s’inscrit dans une politique de développement durable et tout particulièrement dans une phase de transition énergétique.
Là, il s’agit de rupture technologique et de développement d’un parc énergétique en remplacement d’installations amorties…
2 – Phase de latence
On peut définir la phase de latence par la période durant laquelle l’on va constituer le parc énergétique pour atteindre le seuil de production souhaité.
Un temps de latence unitaire peut être défini par le temps nécessaire au parc pour doubler sa capacité de production.
L’on voit également que le retour énergétique correspond au temps nécessaire à une installation d’une technologie donnée pour la construction en autonomie d’une seconde unité.
Il est alors intéressant d’observer la relation qu’il y a entre le développement d’un parc énergétique et le retour énergétique de la technologie développée.
3 – Impact du rythme de croissance
A – Croissance autonome
Lorsque le temps de latence unitaire correspond au temps du retour énergétique de l’installation, le parc se construit d’une façon autonome : toute sa production d’énergie, mais rien que sa production, est investie dans la construction du parc.
Ce n’est qu’à la fin de la constitution de celui-ci que la capacité de production sera capable de se substituer aux anciens moyens de production.
Il s’agit bien évidemment d’une limite théorique entre une croissance forcée et une croissance lente.
B – Croissance forcée
Il peut être légitime de désirer accélérer la croissance du parc d’énergies renouvelables.
Le temps de latence unitaire est alors inférieur au retour énergétique du parc en cours de croissance.
Ce rythme forcé nécessite une sollicitation supplémentaire des moyens énergétiques « classiques », ceux précisément que l’on souhaite remplacer…
C – Croissance lente
Si l’on choisit un temps de latence unitaire supérieur au retour énergétique, la croissance du parc consomme seulement une partie de la puissance installée. Le complément est délivré aux activités de consommation et permet la décroissance des installations anciennes.
4 – Quelle stratégie adopter ?
Nous sommes dans une stratégie de rupture. Nous souhaitons un futur radicalement différent du passé (encore terriblement présent). Cela implique une double transition : la croissance du futur parc énergétique et le démantèlement de l’ancien… Or, l’on voit que seule une croissance modérée (voire lente) est compatible avec cette volonté.
En effet, la croissance autonome ne permet aucune contribution aux besoins énergétiques avant la fin de la phase de croissance du parc. À ce terme l’on se trouve en présence de deux parcs énergétiques : l’ancien, qu’il faut arrêter, et le nouveau, sans aucun biseau…
Une croissance forcée du parc, dans l’espoir de gagner du temps pour la mise en service de celui-ci, nous oblige à développer le parc des énergies classiques, soit l’effet inverse de celui visé !
Il y a donc une opposition entre le souhait légitime d’aller de l’avant et le devoir de modérer le rythme de croissance.
La seule dimension sur laquelle nous pouvons jouer est le retour énergétique. Plus celui-ci est court, plus la phase de transition sera courte et plus vite atteindrons-nous le bénéfice attendu.
5 – Limites du modèle
Pour plus de lisibilité le modèle présenté ci-dessus ne tient compte que des données techniques, propres aux technologies mises en œuvre. C’est donc un cas d’école.
Pour plus de réalisme, il conviendrait de tenir compte du Délai de Retour Énergétique, qui prend en compte les contraintes pragmatiques des temps d’instruction des dossiers et de réalisation des chantiers. Ces temps peuvent être très variables et plus ou moins réalisés en parallèle les uns des autres. Ils ne peuvent être considérés que dans des études détaillées…
Si ces délais pratiques tendent à allonger la période de transition, ils ne contredisent pas les observations qualitatives apportées plus haut. Par contre, les écarts enregistrés peuvent attirer l’attention des autorités sur les causes de ces retards…
C’est fondamental et ce genre de question peut se poser dans d’autres domaines.
Exemple, vaut il mieux user jusqu’à la corde sa voiture plutôt que d’en racheter une consommant ou polluant moins?
Voilà qui nous écarte de l’obsolescence programmée et du dictat du marketing…
C’est une loi naturelle. Le prédateur ne doit pas dépenser plus d’énergie à courir après sa proie qu’il en tirera en la dévorant. La proie doit savoir évaluer le danger, car se sauver dépense de l’énergie et l’empêche de se nourrir. C’est la double peine !
C’est une loi instinctive que l’homme semble avoir oublié…